[MUSIQUE] J'en arrive à une des stars de ces clauses de modification des modalités de la responsabilité qu'on trouve dans tous les pays, qu'on trouve dans de très nombreux contrats et qui sont bien connues des étudiants en droit, ce sont les clauses pénales. Alors ces clauses pénales évidemment elles n'ont strictement rien à voir avec le droit pénal. Faites attention, il ne faut pas qu'il y ait de confusion terminologique Ça n'a strictement rien à voir avec le droit pénal. C'est une clause qui tend en règle générale à plutôt aggraver la responsabilité d'une des parties, en prévoyant qu'en cas de violation du contrat, une des parties devra payer un certain montant, qui est cette pénalité prévue par le contrat. Alors bon, elles sont assez fréquentes. Elles sont pas trop difficiles à reconnaître dans un contrat. Elles sont souvent opportunes, je vous l'ai déjà dit. Il y a certains contrats pour lesquels une simple prétention en dommages-intérêts ne suffit pas, parce que c'est trop difficile de calculer le dommage ou parfois même parce que la violation du contrat ne conduit pas à un dommage. Et dans ce cas-là , une clause pénale peut être une sanction appropriée à la violation de ce dommage. On avait vu la semaine dernière les clauses de de préemption. Si une partie vend ses actions, elle doit d'abord les offrir à l'autre au prix du marché. Alors, quel est le dommage si elle ne le fait pas. Y a pas de dommage puisque c'était au prix du marché. Et donc pour sanctionner la violation de ces droits de préemption, il est assez fréquemment prévu une clause pénale qui prévoit que si une des parties ne respecte la procédure de préemption, elle devra payer un certain montant à titre de pénalité aux autres parties au contrat. Donc c'est utile, mais ça reste une clause contractuelle. Et dès lors que c'est une clause contractuelle, il faut se poser la question de ce que voulaient faire les parties, lorsqu'elles ont intégré dans le contrat cette clause dite clause pénale. Parce que finalement la question de base, c'est de savoir si les parties voulaient effectivement déroger aux règles de la responsabilité contractuelle prévues par le droit applicable au contrat. Ou si elles voulaient simplement se simplifier la vie en termes de calcul du dommage. Et c'est important de faire cette distinction, parce que il y a des clauses de types différents à ce sujet. Si on reprend la théorie générale en matière de responsabilité, je vais prendre ce qui est en droit suisse l'article 97 du Code des obligations, mais ce sont des principes assez généraux. Pour qu'une partie soit responsable, il faut qu'il y ait une violation du contrat, c'est la première condition. Ensuite, il faut qu'il y ait un dommage. Lorsque l'on parle du dommage, il y a bien sûr l'existence du dommage, mais il y a aussi le montant du dommage qui donne souvent lieu à des controverses sur le calcul du montant. Il faut qu'il y ait une causalité, adéquate, naturelle. Ça c'est la théorie la juridique, on peut modifier ça par les clauses dont nous avons parlé au début de ce cours. Et puis il faut qu'il y ait une faute, qui est présumée, en droit suisse en tout cas, mais qui est quand même une condition de la responsabilité contractuelle. Alors il est possible que les parties aient voulu jeter aux orties toute cette théorie de la responsabilité qu'on a en droit suisse, qu'on a dans d'autres ordres juridiques, qui correspond aux conditions de l'article 97 du Code des obligations. Donc en d'autres termes, on garde la violation du contrat, mais c'est tout. Tout ceci est remplacé par une clause pénale. Mais il est aussi possible que les parties aient voulu faire autre chose. C'est-à -dire ne pas déroger à ces conditions. Garder ces principes évidents selon lesquels il faut qu'il y ait un dommage, il faut qu'il y ait un lien de causalité, il faut qu'il y ait une faute pour que la responsabilité soit acquise. Mais simplement, de façon je dirais assez modeste, se mettre d'accord à l'avance sur cet élément-là de la responsabilité, c'est-à -dire l'élément du montant qui devra être calculé. Après tout le calcul du dommage est souvent difficile, pourquoi est-ce qu'on ne pourrait à l'avance se mettre d'accord sur le montant du dommage? Et ça, ce sont des clauses qui sont aussi parfaitement admissibles et c'est ce qu'on appelle des fixations forfaitaires du dommage. Alors, on voit vraiment pas on interdirait aux parties de prévoir l'une ou l'autre de ces solutions. Si on veut déroger, si elles veulent déroger aux règles de la responsabilité contractuelle, pourquoi pas? Si elles veulent substituer aux conditions de la responsabilité contractuelle une clause pénale qui s'applique automatiquement en cas de violation du contrat, pourquoi pas? Mais si les parties veulent simplement se mettre d'accord à l'avance sur le montant du dommage, pourquoi pas aussi? Et donc il faut distinguer ces différentes clauses, fixation forfaitaire du dommage et clause pénale, selon la volonté des parties. Et comme la volonté des parties elle s'exprime dans le contrat, il faut si possible que le contrat soit relativement clair sur ce que voulaient faire les parties lorsqu'elles ont inséré la clause dans le contrat. Ce n'est en tout cas pas le titre de la disposition qui est déterminant. C'est pas parce qu'elles ont mis clause pénale que c'est forcément une clause pénale, c'est pas parce qu'elles ont mis fixation forfaitaire du dommage que c'est forcément une fixation forfaitaire du dommage. Il faut, vous vous en souvenez, toujours essayer de déterminer quelle était la volonté des parties au moment de rédiger la clause. Et alors si possible, il faut que la clause soit rédigée assez clairement. Peut-être encore plus clairement, si on veut simplement faire une fixation forfaitaire du dommage, plutôt qu'une clause pénale, parce que les fixations forfaitaires du dommage sont plus rares en réalité que les clauses pénales classiques. Alors je vous propose, cette fois-ci en français, deux exemples. Un exemple de clause pénale. En cas de violation du contrat, X paiera à Y un montant de x, de tant. Ça, c'est une clause pénale. Pourquoi? On voit d'après cette clause qu'il suffit qu'il y ait la violation du contrat pour que ce montant soit dû. Il n'y a aucune autre condition qui est requise. Ou alors une fixation forfaitaire du dommage : Il est convenu que la violation du contrat causera à Y un dommage de tant. Et donc là , on indique uniquement quel est le dommage qui sera causé par la violation du contrat, mais il n'est pas pour autant prévu que ce montant devra être payé. Ce montant devra être payé aux conditions générales de la responsabilité. C'est-à -dire s'il y a un dommage, on sait quel est le montant à l'avance, mais s'il y a un dommage, s'il y a une faute, s'il y a un lien de causalité entre ce dommage et la violation du contrat. Alors, c'est un petit peu délicat parfois cette distinction entre fixation forfaitaire du dommage et clause pénale. Il faut faire attention lorsque l'on rédige le contrat de rédiger clairement une clause pénale ou clairement une fixation forfaitaire du dommage. Et si vous voulez rédiger clairement une clause pénale, eh bien il faut indiquer très clairement que ce montant sera dû en cas de violation du contrat, sans autres conditions particulières. Une fois qu'on a dit ça et une fois qu'on a décidé de faire une clause pénale, encore faut-il savoir quelle clause pénale on va faire. Il y a des catégories qui existent dans la loi. On pourrait s'en affranchir, parce que, après tout, on fait ce qu'on veut. C'est la liberté contractuelle. Sauf que ces catégories, elles correspondent en réalité à différentes stipulations qui peuvent être envisagées par les parties. À différentes solutions qui peuvent être voulues par les parties. Et ces catégories, elles dépendent de la relation que les parties veulent instaurer entre le droit à l'exécution, qui est quand même la principale des prétentions découlant du contrat, le droit à l'exécution. C'est l'expression pacta sunt servanda, d'une part. Et puis le droit au payement de la clause pénale. Alors on peut imaginer différentes stipulations. Par exemple, on peut prévoir que vous avez droit à l'exécution ou à la clause pénale. C'est un choix, soit l'exécution, soit le payement de la clause pénale. Alors dans ce cas-là , il faut encore savoir qui décide. Parce que si y a un choix à faire, il faut savoir qui fait le choix. Est-ce que c'est le créancier qui procède à ce choix ou est-ce que c'est le débiteur qui peut choisir? Alors, si c'est le créancier, qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie que en réalité, ce que sont en train de faire les parties, c'est conférer au créancier un moyen de droit supplémentaire. Le créancier a droit à l'exécution du contrat bien sûr, mais en plus il a droit, alternativement, comme moyen de droit supplémentaire, au payement d'une clause pénale. Donc, il peut choisir le moyen de droit qu'il va exercer, entre le payement de la clause pénale ou une demande d'exécution du contrat. C'est ce qu'on appelle une clause pénale alternative. En droit suisse, c'est l'article 160, alinéa 1, du Code des obligations. Et c'est un moyen de droit supplémentaire pour le créancier. Avec une petite différence, on peut faire une clause qui remplit une fonction extrêmement différente en réalité. Parce que on peut décider que il y a toujours ce rapport alternatif entre l'exécution ou le payement de la clause pénale, mais c'est pas le créancier qui décide, c'est le débiteur. Ça, c'est ce que en droit suisse on appelle une clause pénale exclusive. C'est l'article 160, alinéa 3, du Code des obligations. Et la fonction de ces clauses-là est très différente. La fonction, ça consiste en fait à donner au débiteur un droit de sortie, une sorte de dédit. Le débiteur sait que s'il paye ce montant-là pas, il peut se libérer de ce contrat. C'est un dédit. C'est un moyen de sortir du contrat, moyennant une certaine somme qu'il devra payer. Et donc, voilà deux clauses qui sont assez proches l'une de l'autre, mais avec une fonction tout à fait différente. La clause pénale alternative, c'est un moyen de droit supplémentaire conféré au créancier. La clause pénale exclusive, c'est un dédit, un moyen, un droit de sortie conféré au débiteur pour se libérer de ce contrat moyennant le paiement d'un certain montant. Bon, je vous donne deux exemples de ces clauses. Clause pénale exclusive, donc le droit de sortie du débiteur. En cas de violation du contrat, X paiera à Y un montant de tant, à l'exclusion de tout autre moyen de droit. A l'exclusion de tout autre moyen de droit, ça veut dire quoi? Ça veut dire que c'est exclusif. Et donc en payant ce montant-là , X pourra se sortir de ce contrat, se libérer de ce contrat sans avoir à payer des dommages et intérêts, ou d'autres moyens de droit découlant de ce contrat. Et puis, vous pouvez avoir une clause pénale, donc, alternative, exemple. En cas de violation du contrat, Y, le créancier, pourra demander à X un montant de tant au titre de clause pénale, tout autre moyen de droit étant réservé. Si on vous dit, tout autre moyen de droit étant réservé, c'est-à -dire que le créancier peut bien entendu demander en plus, plutôt alternativement au montant de la clause pénale, l'exécution, il n'est du tout obligé de demander le paiement de la clause pénale, il peut demander l'exécution du contrat, il ne perd absolument pas son droit à l'exécution du contrat. Et puis, on pourrait envisager une troisième catégorie de clause, toujours à travers le prisme de cette relation entre l'exécution du contrat et la clause pénale, [SON] avec cette fois-ci l'idée que ce n'est plus alternatif, mais c'est cumulatif. Donc, c'est le droit à l'exécution et à la clause pénale. Alors, ça paraît un peu surprenant. Non seulement vous payez une clause pénale, mais en plus il faut exécuter le contrat. En réalité, c'est assez fréquent. C'est ce qu'on appelle une clause pénale cumulative. [SON] En droit suisse, c'est prévu à l'article 160, alinéa 2 du code des obligations, mais je dirais franchement, même si ce n'était pas prévu, peu importe, c'est simplement une des possibilités de ce que peuvent faire les parties. Et, en réalité, c'est ce qu'on appelle une pénalité de retard. Si vous prévoyez dans un contrat, par exemple un contrat d'entreprise, que l'entrepreneur vous paiera au titre de pénalités un montant de 10 000 francs par jour de retard, et il ne s'agit pas du tout d'une alternative par rapport à l'exécution, bien sûr. Il s'agit de pénaliser le retard de l'entrepreneur qui devra vous payer 10 000 francs par jour de retard tout en continuant à exécuter l'ouvrage, et tout en continuant par conséquent à procéder à l'exécution du contrat. Et donc, le but ici, c'est de pénaliser le retard, c'est une pénalité de retard. Avec une formulation de ce type, pour une clause pénale cumulative : En cas de retard, X devra payer à Y un montant de tant par jour de retard. Voilà , donc, trois clauses pénales qui sont assez proches l'une de l'autre. Dans les trois cas, il s'agit bien, à chaque fois, d'une clause pénale, pas d'une fixation forfaitaire du dommage, parce que dans les trois cas, il s'agit d'un montant qui est dû en cas de violation du contrat, sans autre condition. Maintenant, ce sont trois clauses pénales qui, en raison des nuances que nous avons apportées au texte, remplissent une fonction très différente. La clause pénale, qui était la clause pénale exclusive, joue évidemment le rôle d'un droit de sortie en faveur du débiteur. La clause pénale alternative jour le rôle d'un moyen de droit supplémentaire conféré au créancier, et puis la clause pénale cumulative joue le rôle d'une pénalisation de retard. Donc, ce sont des fonctions extrêmement différentes qui peuvent être accordées à cette différente, à ces différentes catégories de clauses pénales. [AUDIO_VIDE]