[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour à tous, vous avez retenu de la précédente vidéo, que l'impact des pollutions sur la santé est une histoire ancienne, mais sa reconnaissance dans les politiques de santé est une histoire récente, et controversée. Alors vous êtes sans doute déboussolé par les polémiques, souvent virulentes, sur l'impact des produits chimiques, ou des antennes relais, qui croire? Alors que les maladies chroniques ne cessent de se développer, que savons-nous exactement de l'impact des pollutions? Partons des faits. Vous constatez, sur ce graphique, que les accidents violents ou les maladies infectieuses n'expliquent que 5 % des décès en France. Les maladies chroniques, c'est-à-dire les cancers, les maladies coronariennes ou encore le diabète, sont la première cause de mortalité. Les maladies cardio-vasculaires sont responsables de plus d'un tiers des décès, les cancers un autre tiers, et le diabète empoisonne la vie de trois millions de personnes, avec une forte augmentation de sa prévalence depuis dix ans. Ces affections de longue durée coûtent cher à la société. Elles coûtent en termes humain, 15 % de nos concitoyens sont touchés, et elles coûtent cher aux finances publiques, 78 milliards d'euros, chaque année, soit 60 % de nos dépenses de santé, sont consacrés à ces affections. Ce qui interroge le plus les scientifiques, est l'augmentation de l'incidence de ces différentes maladies chroniques. C'est-à-dire l'augmentation, chaque année, du nombre de cas, rapporté à la population. Voici l'évolution de l'incidence du cancer du sein, pour 100 000 femmes, dans l'ensemble des pays européens. Voici l'évolution, des cas de diabète de type 1 chez les enfants européens. Et voici encore, l'évolution de l'incidence du cancer, chez les enfants de moins de 14 ans, aux États-Unis. Toutes ces données montrent que l'incidence est en hausse. Et je suis désolée de vous infliger de tels graphiques, mais il est important que vous compreniez que la hausse de l'incidence des cancers, ou du diabète chez les enfants, ne peut s'expliquer par le vieillissement de la population. Certes, le vieillissement de la population explique 40 % de l'augmentation de ces affections de longue durée, mais il n'explique pas tout. Nous devons allez chercher l'origine de ces différentes pathologies, dans nos modes de vie. notre alimentation, notre consommation d'alcool, de tabac, notre inactivité physique. Nous devons aussi nous interroger sur l'impact, à long terme, des différentes pollutions que nos organismes subissent, tout au long de notre vie. Il y a des sujets sur lesquels nous avons beaucoup progressé dans notre connaissance. Le lien entre la pollution de l'air et notre santé est, aujourd'hui, mieux connu et reconnu. Et ses impacts ne se limitent pas aux maladies de l'appareil respiratoire, telles que l'asthme. L'étude de l'OMS, de mars 2014, estime que sont imputables à la pollution atmosphérique, 40 % des cardiopathies, ou 40 % des A.V.C. et 6 % des cancers. Les études portent tout particulièrement sur les particules les plus fines, ce que l'on appelle les P. M. 2,5, principalement émises par la combustion du bois et du diesel. Elles sont tellement fines, qu'elles peuvent franchir les différentes barrières biologiques. Le problème est que nous commençons seulement à mesurer leur présence dans l'air que nous respirons. Or, ces particules sont constamment présentes dans notre atmosphère. Les pollutions chimiques, aussi, sont mieux connues. Un grand nombre de produits sont réglementés aujourd'hui. Une question sanitaire d'actualité est celle des pesticides. C'est-à-dire les produits chimiques utilisés pour détruire les insectes, ou les plantes, considérés comme nuisibles dans l'agriculture ou dans nos jardins. Nous ne parlons pas d'un sujet anecdotique, puisque l'utilisation des pesticides, en France, dépasse, chaque année, 110 000 tonnes. Ce qui nous place au troisième rang mondial. Or, la littérature scientifique des 30 dernières années, montre une relation positive entre l'exposition professionnelle aux pesticides et certaines maladies. Telles que la maladie de parkinson, le cancer de la prostate, et d'autres formes de cancers. La molécule de glyphosate, molécule présente dans les produits les plus utilisés au monde, vient d'être classée comme cancérogène probable. La réduction de l'utilisation des pesticides est donc un enjeu majeur pour la santé, surtout pour les agriculteurs, mais aussi les particuliers. Autre substance particulièrement présente dans notre environnement, le bisphénol A. Le bisphénol A est utilisé dans un grand nombre d'ustensiles sous forme de plastique transparent, le polycarbonate. Par exemple dans les biberons de notre enfance, il est utilisé comme vernis, à l'intérieur des boîtes de conserves, il sert dans les matériels médicaux, mais également dans des jouets. L'utilisation massive du bisphénol A dans l'industrie a débuté en 1960. Et le monde en consomme plus de trois millions de tonnes, chaque année. Il est présent partout, et surtout dans notre organisme. Sachez que l'on détecte du bisphénol A dans les urines de 95 % des américains. Le problème est que le bisphénol A est un perturbateur endocrinien. Plus simplement, il est capable de mimer les effets des hormones féminines, ce qui perturbe le développement reproductif, mais également le fonctionnement du cerveau. C'est un exemple intéressant ; pendant longtemps, il était admis qu'en deçà d'une certaine dose journalière, le bisphénol A n'avait pas d'effets. Puis les études, au départ très controversées, ont montré que, même à d'infimes doses, le bisphénol avait un impact sur le développement du fœtus. Outre les problème reproductifs, des liens ont été établis avec des maladies cardio-vasculaires, des anomalies hépatiques, et le diabète de type 2, même si cette dernière conclusion reste plus controversée. En 2011, l'Union européenne interdit donc son usage dans les biberons. La France va plus loin, en le supprimant, progressivement, des usages alimentaires. Cet exemple est intéressant, car il montre une évolution fondamentale des concepts. L'idée qu'en deçà d'une certaine dose journalière, les produits sont sans effet sur la santé, est une idée, ici, dépassée ; à certains stades de notre développement, et tout particulièrement à l'état fœtal, et au moment des bouleversements hormonaux de l'adolescence, ces produits peuvent avoir un impact majeur. C'est ce qu'on appelle, l'effet fenêtre. D'autre part, ces études montrent que le plus important est l'accumulation des doses de pollutions auxquelles nous sommes exposés tout au long de notre vie. Les politiques de santé voient donc émerger un concept nouveau, l'exposome, c'est-à-dire l'intégration des expositions sur la vie entière. C'est une remise en question fondamentale de notre système de santé, qui est à 93 % curatif ; 93 % de nos dépenses de santé sont consacrées à la prise en charge sanitaire de nos pathologies. L'idée sous-jacente est que nous trouverons un vaccin, ou un médicament pour chaque maladie. La politique de santé ne s'intéresse que très marginalement à la prévention, c'est-à-dire à l'amélioration de notre environnement et de nos comportements. La santé publique, en France comme dans l'ensemble des pays européens, représente moins de 7 % de nos dépenses de santé. Deux sujets à forte incertitude scientifique sont au cœur des grandes interrogations de ce siècle. Car la totalité de nos concitoyens sont, ou vont être, exposés à ces produits. Les radiofréquences d'une part, les nanoparticules d'autre part. Le premier sujet est celui des ondes et tout particulièrement des radiofréquences émises par les antennes relais, les téléphones portables, ou encore le WIFI. Si les débats sont vifs, sur les antennes relais, le sujet le plus préoccupant est celui de l'utilisation intensive des téléphones portables. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail, l'A.N.S.E.S., a relevé une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphone portable. Une conclusion cohérente avec la position du C.I.R.C., le Centre international de recherche sur le cancer, qui a classé les radiofréquences comme cancérogènes possibles pour les utilisateurs intensifs de téléphones mobiles. Or, en 2015, on estime à 7 milliards le nombre d'abonnements mobiles dans le monde. Cette question est donc une question planétaire. Une génération entière de l'humanité est exposée aux radiofréquences. Deuxième sujet, les nanomatériaux. Là les distances se mesurent en milliardièmes de mètre, 50 000 fois moins épais qu'un cheveu, ce qui confère à ces matériaux des propriétés radicalement nouvelles. Ils ont un intérêt majeur, par exemple dans le domaine de la santé, pour la reconstitution d'os. Mais ils se retrouvent dans une majorité de produits de consommation courante, sur des lunettes de soleil, dans des crèmes solaires, sur des T-Shirts de sport, pour leur propriétés antibactériennes, dans des isolants, sur des pneus, sur des bonbons, dans du sel. Les nanomatériaux ne sont pas d'usage confidentiel, 400 000 tonnes sont utilisés, en France, chaque année. Compte tenu de leurs dimensions, et des nouvelles propriétés propres à ces matériaux, nous n'avons qu'une connaissance encore partielle de leur impact sur la santé. Les budgets de recherche ne dépassent pas le million d'euros, en Europe, quand les États-Unis consacrent plus de 100 millions d'euros à la seule question de l'analyse des conséquences sanitaires. Et comme pour les radiofréquences, la question de santé environnementale posée est simple. Quel sera l'impact, à long terme, de l'exposition de l'ensemble de la population? Voici une belle question, qui renvoie à un débat plus large, sur le principe de précaution. Pour conclure, vous avez retenu que l'évolution des maladies chroniques interroge notre mode de vie et notre environnement. Les grandes suspicions autour des produits chimiques, des ondes ou encore des nanomatériaux sont une remise en question fondamentale de nos politiques de santé. Je vous remercie. [AUDIO_VIDE]