[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans ce module, nous allons nous intéresser à une étape cruciale de la vie d'un entrepreneur et d'une entreprise sociale, la levée de fonds. Elle lui donne les moyens de créer son entreprise, lancer un nouveau projet ou lorsqu'elle est créée, de changer d'échelle ou encore d'investir pour mener un changement majeur dans son entreprise. Cependant, c'est un exercice qui demande beaucoup de préparation. L'entrepreneur dont l'entreprise se développe, sera conduit à organiser et réussir plusieurs levées de fonds ainsi, alors que c'est loin d'être sa spécialité. C'est l'une des missions qui lui prendra le plus de temps de sa vie d'entrepreneur. Que faut-il donc mettre en valeur? Comment parler de son projet social? Quelles stratégies en termes de positionnement social doit-il adopter? Vers quels acteurs se tourner, en fonction du positionnement social? Quel degré de liberté, quel degré d'indépendance l'entrepreneur veut-il conserver? Autant de questions qui sont au cœur d'une démarche de levée de fonds. Pour répondre à toutes ces questions nous allons procéder en deux temps. D'abord, nous verrons quelles sont les attentes des investisseurs et comment l'entrepreneur social peut les convaincre. Ensuite, deuxième temps, nous expliquerons à qui l'entrepreneur doit s'adresser lors d'une levée de fonds. Dans un premier temps, le projet doit être convaincant aux yeux des investisseurs. La première question que se posent les investisseurs et à laquelle les entrepreneurs doivent se préparer à répondre est de savoir si leur produit ou leur service est pertinent. Cela peut-être démontré par une étude de marché, l'analyse du besoin social pour l'entrepreneur à impact et le benchmark des produits ou services concurrents. Toutefois, la meilleure preuve de la pertinence d'un produit ou d'un service est de le tester sur le marché, dans sa forme la plus simple, ce que l'on appelle le Minimum Viable Product ou MVP, dans la méthodologie du Lean Start Up, développé par l'entrepreneur californien Eric Ries. Cette approche est fondée sur le design itératif, c'est-à-dire le développement du produit au fur et à mesure que la startup reçoit le feedback des utilisateurs, grâce à une série de prototypes réalisés à un coût minimal et testés régulièrement. La commercialisation d'un prototype à moindre coût permet ainsi de démontrer aux investisseurs que le produit ou le service de l'entreprise est pertinent, mais aussi que l'équipe est prête à s'adapter aux préférences des clients. La deuxième question que se posent les investisseurs concerne la viabilité économique du projet. Quelle est la structure de coûts et quelles seront les sources de revenus? Comme pour une entreprise classique, il existe une multitude de business models pour une entreprise sociale, où les bénéficiants peuvent payer eux-mêmes le produit, par exemple une source d'énergie propre et accessible dans des bidonvilles, ou bien le service est financé par un tiers comme, par exemple, la distribution de repas à des sans domicile fixe. Pour convaincre un investisseur, il faut donc identifier un business model où l'on peut montrer que les différentes parties prenantes sont intéressées par le produit. Enfin, la troisième chose que l'investisseur se demande est s'il peut faire confiance à l'équipe du projet. L'entrepreneur doit prouver que sont équipe possède les compétences, l'expérience nécessaire pour exécuter correctement le business plan, mais aussi qu'il comprend les risques du projet et qu'il saura bien s'entourer et réunir les compétences manquantes dans l'avenir. Les différents financeurs seront également attentifs aux motivations de l'équipe des entrepreneurs, si celle-ci diverge fortement au sein de la même équipe, entre la volonté d'impact et la recherche de rentabilité, par exemple, elles seront considérées comme un risque supplémentaire pour la réussite de l'entreprise. Les réponses aux trois questions que nous venons de citer doivent apparaître clairement dans le business plan social de l'entreprise. Pour plus d'information sur ces questions, vous pouvez consulter le MOOC Changer le monde, passons à l'action, également disponible sur Coursera. Vous pouvez également le faire dans l'ouvrage que j'ai co-écrit avec Marie Trellu-Kane, L'entreprise sociale (aussi) a besoin d'un business plan, aux éditions de l'échiquier. Dans un deuxième temps l'entrepreneur doit identifier quels financeurs seront les plus à même de répondre à ses besoins. Après avoir préparé correctement sa levée de fonds, en rédigeant un business plan social, en ayant testé autant que faire se peut son produit sur le marché pour vérifier la validité de ses hypothèses, l'entrepreneur doit comprendre son besoin de financement. Pour cela, il doit se poser trois grandes questions. La première question qu'il doit se poser est suis-je capable de rembourser l'investissement dans quelques années? Si la réponse est non, comme c'est le cas pour de nombreuses entreprises durant leurs premières années, l'entrepreneur doit lever des fonds propres. Les fonds propres représentent la proportion du bilan, c'est-à-dire la somme de ce qui est possédé, que l'entreprise ne doit à personne. Attention, les investisseurs en fonds propres classiques, comme les capital-risqueurs, prennent des parts de l'entreprise en échange de l'investissement. Ils ont leur mot à dire dans la gouvernance de l'entreprise, ils attendent une plus-value financière et une performance sociale conforme aux engagements pris. Ainsi, les investisseurs solidaires, comme Investir&+ ou EFSIN Gestion, fournissent du capital que l'on appelle capital patient, car ils n'attendent pas un fort retour financier rapidement, même s'ils acquièrent des parts de l'entreprise, mais attendent un suivi précis des résultats financiers et des résultats obtenus grâce au développement de l'entreprise en matière d'impact social. Ils peuvent demander à s'impliquer dans la gouvernance. Enfin, les subventions sans droit de reprise fournies par l'Union européenne, l'État, les collectivités locales ou les dons apportés par les fondations, ainsi que les dons et legs de particuliers, sont des sources de fonds propres sans prise de participation. Si la réponse à la question suis-je capable de rembourser l'investissement dans quelques années est oui, alors, l'entrepreneur social peut recourir à d'autres sources de financement que celles énoncées ci-dessus. Les avances remboursables sont des prêts pour lesquels l'entreprise ne paiera pas d'intérêts tous les ans. Elles sont accordées par France Active ou Bpifrance, par exemple. Si l'entreprise est capable de payer des intérêts sur un prêt, alors elle peut chercher des emprunts de banques classiques ou de banques spécialisées, elle peut avoir recours au compte courant d'associés, c'est-à-dire emprunter à l'un des associés qui détient plus de 5 % du capital de l'entreprise contre une rémunération fixée à l'avance, ou elle peut encore émettre des obligations. Certaines sources de financement sont appelées quasi fonds propres, car elles possèdent certains avantages des fonds propres, tout en étant remboursables. C'est, par exemple, le cas des subventions avec droit de reprise fournies par des investisseurs solidaires ou France Active par exemple. C'est aussi le cas des titres associatifs et participatifs qui ne sont remboursables qu'à l'initiative de l'entreprise financée et qui rémunèrent leurs détenteurs selon des conditions régulées par la loi. Ces détenteurs peuvent être des individus ou des investisseurs solidaires comme ESFIN-IDES. Enfin, le prêt participatif est, lui aussi, une source de quasi fonds propres car il s'agit une créance subordonnée de dernier rang, en d'autres termes, qui n'est remboursé qu'une fois que tous les autres créanciers l'ont été. Les prêts participatifs sont notamment accordés par France Active et la Caisse des Dépôts et Consignations. Ainsi, les quasi fonds propres permettent de renforcer la santé et la solidité financière des entreprises tout en rémunérant les financeurs. Vous pourrez approfondir ces questions dans l'ouvrage Stratégie et financement des entreprises sociales solidaires publié par Sophie Keller que vous retrouvez dans ce MOOC à chacun des modules, Amandine Barthélémy et Romain Slitine, eux aussi anciens de la Chaire Entrepreneuriat Social de l'ESSEC. Vous trouverez aussi en ressources complémentaires, une présentation des outils de financement de l'entrepreneuriat social réalisée par le Comptoir de l'Innovation, KPMG et Equanity, que vous pourrez aussi retrouver et compléter à l'adresse mail qui s'affiche à l'écran. La deuxième question que l'entrepreneur doit se poser pour lever des fonds est qu'est-ce que je cherche à financer? L'enjeu là pour l'entrepreneur est de choisir le bon financeur au bon moment, c'est-à-dire un financeur adapté à l'objet du financement. Et si l'entrepreneur doit financer une immobilisation comme des biens matériels nécessaires au lancement d'un projet, un véhicule, des outils de production, des locaux ou du matériel, du fonds de commerce ou encore des licences, alors il peut avoir recours à une majorité des sources de financement disponibles sur le marché car la possibilité de liquider l'immobilisation est une garantie pour l'investisseur ou le prêteur. L'entrepreneur devra alors privilégier les financements qui lui coûtent le moins cher, que ce soit en termes de rémunération ou en termes de prise de participation, et faire correspondre la durée du financement au minimum avec celle de l'immobilisation. Pour choisir le bon financeur l'ordre dans lequel les financeurs sont contactés est aussi important car le soutien de premiers investisseurs entraîne celui d'autre. C'est ce que l'on appelle l'effet domino ou comment enclencher un cercle vertueux pour lancer une dynamique d'investissement et de développement. Si l'entrepreneur doit financer une activité qui ne va pas générer de revenus dans l'immédiat, ou s'il doit financer son besoin de fonds de roulement, alors il lui sera plus difficile d'accéder à certains outils de financement comme les prêts. Il devra donc favoriser la recherche de fonds propres et de quasi fonds propres comme les subventions, les prises de participation ou les titres et prêts associatifs. De la même façon, si l'entrepreneur souhaite couvrir des besoins de trésorerie de court terme, dus à un retard de paiement des clients ou à de mauvaises prévisions, alors peu d'acteurs accepteront de le financer. Dans ce cas, l'entrepreneur doit essayer de convaincre les investisseurs qui détiennent déjà des parts du capital et qui veulent éviter la faillite de l'entreprise, les différentes parties prenantes qui qui tirent bénéfice du projet ou les financeurs qui ont déjà fait confiance à l'entreprise de le soutenir et de l'accompagner dans ce qui est, il faut bien le dire, une phase difficile pour son entreprise. D'autres solutions comme les cessions de créances, les affacturages ou le découvert bancaire sont offerts par les banques mais ces solutions sont très souvent très onéreuses. Enfin, la troisième question que l'entrepreneur doit se poser avant de faire appel à des financeurs est partage-t-on la même vision de long terme pour ce projet? Une relation de confiance doit se créer entre entrepreneurs et financeurs pour que ces derniers puissent aider l'entreprise au mieux autrement que financièrement. Par exemple les capital-risqueurs, les investisseurs solidaires ou encore les incubateurs sociaux offrent un accompagnement précieux pour l'entrepreneur grâce à leur expérience et à leur réseau. Par ailleurs, une bonne relation avec ces créanciers permet de faire appel à eux dans les moments charnière de la vie de l'entreprise s'ils croient fermement à la réussite du projet. Enfin, les investisseurs qui détiennent des parts de capital dans l'entreprise participent à sa gouvernance et il est donc important qu'ils partagent la même vision que le porteur de projet de manière à assurer la pérennité de la mission sociale, même si ces investisseurs attendent une rentabilité financière minimale.