[MUSIQUE] Pour cette troisième capsule vidéo, nous nous intéressons aux enjeux du développement des contrats à impact. Après avoir défini le contrat à impact et en avoir retracé rapidement l'histoire, nous nous intéressons donc maintenant à ses perspectives et aux grands enjeux de son développement. Examinons d'abord dans quelles conditions le contrat à impact pourrait s'étendre et même s'étend déjà à de nouvelles problématiques. On va donc s'intéresser au potentiel d'extension du contrat à impact. Rappelons-le, la logique du contrat à impact s'applique particulièrement à des dispositifs qui visent à prévenir une dépense pour la collectivité, sur un horizon de temps maîtrisé et dont l'efficacité est relativement facile à mesurer et à objectiver. Une première piste d'élargissement pour le contrat à impact consiste ainsi à sortir du seul champ des politiques sociales dans lequel il est né pour s'intéresser à d'autres politiques publiques consistant à réparer, à corriger un impact négatif pour la collectivité, et c'est le cas notamment pour un certain nombre de sujets environnementaux, au premier rang desquels la question des déchets solides ou liquides. En effet, c'est la puissance publique, et derrière le contribuable, qui sont responsables financièrement du traitement d'un certain nombre de déchets, des déchets ménagers, des eaux usées par exemple. C'est dans cet esprit d'un appel à projets sur l'économie circulaire a été mené par l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie en France. À titre d'illustration, l'un des projets retenus et qui va donc faire l'objet d'un contrat à impact en cours de structuration est celui de la jeune entreprise Toopi Organics, qui développe une innovation qui vise à valoriser les urines humaines, avec pour effet indirect de réduire les coûts de traitement supportés par la collectivité, induits par la présence d'urine dans les eaux usées. On voit donc ici la logique de coûts évités pour la collectivité, grâce à la mise en place d'un dispositif innovant qui est risqué et qui est la base du contrat à impact. Le contrat à impact dont va bénéficier Toopi Organics révèle une autre modalité d'extension du contrat à impact. En effet, il se trouve que à la différence des opérateurs sociaux classiques comme Apprentis d'Auteuil et dont l'action s'inscrit dans un modèle non marchand et qui n'aura donc jamais vocation à s'autofinancer, Toopi Organics est une entreprise à impact avec un modèle économique marchand, lucratif, qui vise l'autofinancement à terme. Cependant, Toopi Organics ne peut pas s'autofinancer à date car son projet de valorisation d'urine exige des dépenses de R&D très importantes et des expérimentations trop coûteuses qui ne permettront pas que le projet soit rentable avant plusieurs années. C'est dans ce laps de temps sur la base des expérimentations déjà menées et qui feront l'objet d'une mesure et d'une évaluation d'impact précise que le contrat à impact est pertinent, dans une logique de démonstration des coûts évités pour la collectivité. Enfin, une piste d'extension du contrat à impact, qui elle reste encore largement à explorer, consiste dans la nature du tiers payeur. Initialement, c'est la puissance publique, qui parce qu'elle économise les coûts, peut avoir intérêt à financer des programmes faisant l'objet d'un contrat à impact. On pourrait imaginer cependant que des acteurs privés, défendant la cause de l'intérêt général, jouent eux-mêmes ce rôle de tiers financeur, et en cela structurent toute la démarche en lançant des appels à projets tels que le fait l'Etat aujourd'hui. On peut penser particulièrement à des fondations dont bon nombre placent un objectif de biens communs au centre de leur mission. Quand bien même ces acteurs privés ne peuvent pas, contrairement à l'Etat, bénéficier d'économies de coûts directement, leur financement s'apparenterait en fait à un don, une subvention, comme les fondations en font souvent, avec cependant une logique de résultat et d'efficacité avérée, la fondation n'achetant dans ce cas que l'impact avéré et non sa potentialité. Cette configuration pourrait particulièrement se prêter à certains sujets pour lesquels la notion de coûts évités n'est pas directement objectivable car ne faisant pas directement l'objet d'une politique publique de réparation. On peut penser là au sujet de la biodiversité ou encore du bien-être des individus. Pour l'un comme l'autre, une action les favorisant ne se traduira pas directement par une économie financière tangible pour la collectivité, mais plutôt par une création de valeur extra financière relativement diffuse et évidemment difficile à objectiver. C'est finalement autour de cet enjeu de valorisation de l'impact que de nouvelles modalités du contrat à impact sont encore à inventer. Nous verrons plus tard le dispositif du paiement pour services environnementaux, PSE, qui s'inspire lui de la logique du contrat à impact. Si l'on passe à présent aux freins, aux barrières encore à lever pour libérer le potentiel du contrat à impact, on voit qu'il en existe plusieurs types, freins techniques, des barrières financières mais également des obstacles culturels et idéologiques. Commençons par les freins techniques. D'un point de vue technique, tout l'enjeu consiste à améliorer le processus de structuration d'un contrat à impact, qui prend aujourd'hui entre 12 et 18 mois en France. Cela passe par la création d'outils juridiques plus en phase avec la spécificité du contrat à impact, mais également par des conventions cadres, permettant de ne pas repartir de quasiment zéro à chaque nouveau projet, tout en gardant à l'esprit la singularité intrinsèque de chaque contrat à impact. C'est aussi une question d'expérience. Au fur et à mesure des contrats structurés, les différents acteurs concernés, pouvoirs publics, financeurs et structures en particulier, ont développé une certaine expertise dans le domaine qui devrait leur permettre d'aller de plus en plus vite. Les freins techniques concernent également l'évaluation et la mesure de l'impact, qui gagnerait à être au moins en partie standardisée, avec la mise en place de référentiels donnant une valeur standard à certains résultats attendus. Un des objectifs majeurs à terme serait par ailleurs de rendre le processus de structuration mais aussi de suivi du contrat à impact suffisamment fluide pour qu'il puisse être facilement pris en main par des organisations plus petites, et donc décentraliser et essaimer au maximum. Venons-en à la deuxième catégorie de freins, les freins financiers. Sur le plan financier, tout l'enjeu surtout en France, serait de faire du contrat à impact une vraie classe d'actifs, c'est-à -dire un placement à part entière que les acteurs choisiraient dans une logique autant financière que d'impact, là où aujourd'hui ces contrats s'apparentent surtout à une logique de subvention améliorée dans une perspective de politique RSE davantage que d'investissement financièrement rentable. Cela demande donc de réfléchir à la rémunération offerte aux investisseurs privés pour qu'elle reflète au mieux le couple rendement/risque à la base de tout actif financier. En effet, certains acteurs de l'écosystème regrettent que les rémunérations offertes soient encore relativement limitées. Rappelons qu'il serait d'autant plus intéressant pour les investisseurs privés de pouvoir ranger le contrat à impact dans la palette de placements financiers à impact dont ils disposent, qu'ils constituent un type d'actifs très intéressant en termes de gestion de portefeuille car il est décorrélé des autres actifs puisqu'il ne répond à aucune logique économique de marché mais à un besoin social ou environnemental à la différence notoire de tous les autres placements que peut proposer l'investissement à impact. C'est donc aussi l'intérêt de l'écosystème à impact tout entier que de pousser ce type de placement pour aider l'investissement à impact, contrats à impact compris, à gagner en crédibilité face aux investisseurs institutionnels. Au-delà du rendement offert, une autre manière de lever le frein financier sur le contrat à impact par la réduction de son risque serait de mettre en place des dispositifs permettant aux investisseurs privés de s'assurer au moins en partie, en cas d'échec du projet, afin qu'ils ne perdent pas l'intégralité de leur mise. Aux États-Unis, des systèmes dits de first loss existent. Des acteurs privés ou publics garantissent une partie du montant investi par les investisseurs. C'est en fait une manière de mieux partager le risque entre différents types d'acteurs, là où sans contrat à impact, rappelons-le, le risque de l'échec repose directement sur les populations concernées par le dispositif, donc les prisonniers, les personnes [INAUDIBLE] de l'emploi par exemple. Ce transfert du risque ne doit pas pour autant désinciter les acteurs concernés à faire leur maximum pour obtenir des résultats et un impact de la manière la plus efficace possible. Après les freins techniques et les freins financiers, venons-en aux freins idéologiques. En effet, pour lever ces freins financiers via finalement la poursuite de l'innovation sociale au service de l'impact, il faut lever les freins idéologiques, qui peuvent à tort ou à raison freiner le développement des dispositifs de paiement aux résultats. Ceux qui cherchent à limiter ce développement reprochent souvent aux contrats à impact de financiariser l'économie sociale et solidaire, de marchandiser d'une certaine manière le social et l'environnement, d'être un prétexte pour in fine justifier le désengagement de l'Etat et des collectivités publiques de certaines politiques publiques. Il ne nous appartient pas ici de déterminer qui a tort ou qui a raison. Ce qu'il faut surtout c'est souligner encore une fois l'exigence de mesure et d'évaluation d'impact qui caractérise tout dispositif de ce type, et qui doit être le seul critère valable pour déterminer si oui ou non une innovation sociale et/ou financière dans le cas du contrat à impact crée de la valeur pour la société et/ou l'environnement. [AUDIO_VIDE]