[MUSIQUE] Dans cette série de vidéos, nous partons à la découverte de chacune de ces 12 cases pour vous expliquer comment utiliser le DMC. À ce stade, nous avons déjà abordé la partie gauche du DMC, qui permet de clarifier les intentions des porteurs de projets ainsi que les conclusions de la phase d'exploration présentées dans les trois premières cases de la partie droite de l'outil. Parmi ces résultats, nous avons proposé des changements sur le projet, changements dont nous avons analysé les bénéfices et les risques potentiels dans la dixième case. Valérie, Thomas, pouvez-vous maintenant nous dire où se situe la onzième case et quel sujet aborde-t-elle? >> La onzième case est ici. La question qui vous est posée dans cette case est très directe. Vous devez nous dire si vous décidez de continuer votre projet ou si vous choisissez de l'arrêter. Nous rappelons que dans la case précédente, vous avez fait une analyse bénéfices/risques des changements à apporter sur votre projet. Si vous estimez que les risques sont trop élevés relativement aux bénéfices espérés, alors il faut arrêter le projet. Si au contraire, vous pensez que les bénéfices espérés sont supérieurs aux risques, alors il faut continuer le projet. Ça vous semble peut-être étrange ou extrême que l'une des options qu'on vous propose c'est de mettre un terme à votre projet. Mais il est vraiment important de se laisser la possibilité d'arrêter votre projet si vous estimez qu'il vous conduit dans le mur. Savoir arrêter un projet, savoir tuer un projet c'est une qualité essentielle et malheureusement assez peu répandue dans les organisations. On observe généralement que les managers ne réussissent pas à tuer les projets parce que souvent, ils n'y ont pas intérêt. Culturellement et sur aussi le plan des incitations organisationnelles, les entreprises commettent une double erreur, elles valorisent la persévérance des managers et elles célèbrent leurs victoires. Du coup, elles créent une incitation pour les managers à toujours continuer même si tout leur dit manifestement d'arrêter. La conséquence est à la fois simple et grave. La persévérance recherchée par les entreprises se transforme souvent en obstination. Je précise qu'on ne vous dit pas de ne pas célébrer vos victoires, on vous dit simplement de célébrer toutes les initiatives, qu'elles conduisent aux succès ou aux échecs. En célébrant uniquement les victoires, vous risquez de stigmatiser les échecs. Vous créez donc une incitation à ne jamais arrêter les projets pour ne pas avoir à les déclarer comme des échecs. Vous développez donc au sein de vos équipes une prédisposition à l'entêtement et à l'obstination. Le DMC est très clair à ce sujet. Avec la onzième case, nous vous demandons de décider d'arrêter le projet ou de le continuer sur des bases rationnelles, c'est-à-dire après un examen approfondi des bénéfices espérés et des risques de votre projet. Ce qui sépare la persévérance de l'obstination c'est la raison. Persévérer c'est faire preuve d'abnégation en fondant ses décisions sur des bases rationnelles. S'obstiner en revanche c'est faire preuve d'aveuglement en laissant l'émotion guider ses choix. >> Dans cette case, il faut donc décider si on continue ou si on arrête son projet. Mais comment savoir quelle décision est la bonne? >> Le DMC n'est pas un outil d'évaluation financière. On ne vous demande donc pas de calculer des ratios financiers sur votre projet pour statuer sur l'intérêt de le continuer ou de l'arrêter. Nous vous demandons seulement de confronter en conscience les risques et les bénéfices de votre projet pour conclure et dire si vous estimez rationnel de continuer le projet ou si vous pensez au contraire qu'il est plus raisonnable de l'arrêter. Concrètement, pour ceux qui connaissent les méthodes d'analyse financière, on ne vous demande pas d'objectiver les risques et les bénéfices en faisant des calculs de cash flow, par exemple à travers la valeur actualisée nette ou le taux de rentabilité interne. Le DMC ne s'inscrit pas dans ce schéma de pilotage de projet. Encore une fois, il vise à vous accompagner dans un processus de réflexion qui débiaise vos analyses et enrichit pas à pas la conception de votre projet. Mais si à cette étape, vous avez des compétences comptables et si vous voulez absolument vous lancer dans une évaluation financière de votre projet, alors nous vous déconseillons de retenir la VAN ou le TRI comme métrique d'évaluation parce que dans un environnement incertain, ces deux ratios perdent de leur sens car ils postulent une connaissance des flux de trésorerie associés au projet. Or, l'incertitude rend caduque l'anticipation des cash flows à venir même en y associant des calculs de probabilité. Quant au choix d'un taux d'actualisation, il reste lui aussi très subjectif et très discutable. Pour résumer, dans un environnement incertain, ces ratios comme la VAN, le TRI, ne donnent qu'une illusion de rationnalité. Si vous vous voulez vous lancer dans un exercice d'évaluation financière, nous vous conseillons d'évaluer votre projet avec la méthode de l'analyse des options réelles. [MUSIQUE] Contrairement aux méthodes traditionnelles d'évaluation de projets comme la VAN ou le TRI, cette méthode vous permet de prendre en considération les effets d'une gestion active de votre projet au cours du temps. Autrement dit, cette méthode intègre des réponses aux événements auxquels vous aurez à faire face tout au long de la maturation de votre projet, et ce qui est beaucoup plus pertinent dans un projet qui évolue dans l'incertain. >> Par exemple, si vous considérez qu'il existe une possibilité de revendre certains actifs que vous auriez acquis pendant votre projet, vous pouvez intégrer ça dans votre calcul d'options avec ce qu'on appelle des options d'abandon. Si la réussite de votre projet dépend aussi du fait qu'il réussisse à passer plusieurs étapes avec des jalons du type une décision va être prise [INCONNU], vous pouvez aussi prendre en considération cette caractéristique singulière de votre projet en intégrant dans votre calcul d'évaluation des options qu'on appelle des options composées. Par ailleurs, si vous souhaitez vous laisser la possibilité de passer votre projet à l'échelle, en fonction de certains critères, vous pouvez aussi le faire en intégrant dans votre calcul d'évaluation des options ce qu'on appelle des options de croissance ou des options de changement d'échelle. >> Cette méthode d'évaluation des projets par une analyse des options réelles est directement inspirée des méthodes utilisées en finance de marché. Les formules sont d'ailleurs dérivées des travaux de Black, Scholes et Merton qui ont obtenu le prix Nobel d'économie en 1997 pour leurs travaux sur le prix des options financières. Mais encore une fois, si vous n'êtes pas familier de ce genre de calculs, ne vous lancez pas dans un tel travail et de toute façon, l'enjeu du DMC n'est pas là. >> À ce stade, que vous fassiez une évaluation financière ou pas de votre projet, vous vous demandez sûrement quelle est la bonne décision, arrêter le projet ou bien le continuer. J'attire votre attention sur le fait que décider c'est bien plus que choisir. Choisir ça consiste simplement à sélectionner une option parmi un champ des possibles. Décider en revanche ça englobe tout le processus amont qui vous a mis en position de pouvoir trancher parmi les différentes options. Autrement dit, dans la onzième case du DMC, on vous demande simplement de faire un choix, arrêter un projet ou le continuer. Mais c'est le DMC tout entier qui vous a permis de bien décider. Pour reprendre les travaux d'Herbert Simon, on pourrait dire que dans cette onzième case du DMC, vous devez vous contenter de faire un choix en sollicitant votre rationnalité substantive. Autrement dit, il vous suffit de revêtir les habits de l'homo economicus et d'identifier en substance l'alternative la plus pertinente, en l'occurrence arrêter le projet ou le continuer. Sauf que pour être certain de prendre la bonne décision concernant votre projet, il faut que vous considériez l'usage que vous avez fait du DMC tout entier. Et vous vous apercevrez que la rationnalité dont vous avez fait preuve n'est pas substantive, mais qu'elle est, et heureusement, procédurale pour reprendre les termes de Simon. C'est-à-dire qu'en utilisant le DMC et en le faisant tourner plusieurs fois, vous suivez un processus de décision rationnelle qui vous permet d'évaluer de manière séquentielle les alternatives au fur et à mesure de leur découverte. >> Pour faire simple, oui, vous allez faire le bon choix dans la case 11 du DMC si vous évaluez correctement les risques et les bénéfices de chacune des options, continuer le projet ou l'arrêter. Et oui, vous allez prendre la bonne décision concernant votre projet si vous manipulez correctement l'ensemble du DMC, parce qu'en faisant ça, vous avez la garantie que vous allez faire preuve d'une grande rationnalité procédurale. >> Pour résumer, dans cette case, il faut décider si on continue ou si on arrête son projet. L'idée est de choisir en analysant de manière subjective le rapport bénéfices/risques. Si on décide d'utiliser une méthode d'analyse objective, il faut alors éviter les méthodes classiques comme la VAN ou le TRI et privilégier une analyse des options réelles. Maintenant que vous avez compris tous les concepts cachés derrière cette onzième case, il est temps de passer en mode atelier et de mettre en pratique ce que vous avez appris. [MUSIQUE] Rappelons pour commencer qu'au départ, on voulait concevoir une série de vidéos sur le thème de l'incertitude. Nos deux explorations nous ont permis de prendre conscience de beaucoup d'informations jusque là inconnues pour nous. On a donc décidé de modifier notre projet. On ne va plus concevoir simplement une série de vidéos sur l'incertitude à destination des professionnels, mais on va produire un outil d'aide à la décision dans l'incertain pour les praticiens. Les vidéos seront simplement des tutoriels qui serviront à éclairer l'usage de l'outil. Par ailleurs, on va penser les vidéos pour pouvoir les transformer facilement en podcasts. Nos contenus seront diffusés avec une stratégie omnicanale et le contenu sera pluridisciplinaire pour offrir une solution aux praticiens qui envisagent la prise de la décision dans l'incertain de manière holistique. >> Dans la dixième case du DMC, nous avons vu que ces changements nous faisaient prendre le risque de dépasser notre budget. Ils présentent également un risque supérieur d'exécution car la conception d'un outil d'aide à la décision renvoie à un niveau d'exigence et de maîtrise plus élevé que la simple production de vidéos. En revanche, les bénéfices sont significatifs. On n'est plus seulement dans la transmission de connaissances, mais dans un dispositif qui permet l'auto-apprentissage, pour celui qui le manipule. Le produit est plus original et permet d'envisager des programmes d'accompagnement en entreprise. >> Nous en arrivons donc à la onzième case du DMC, et on doit maintenant se poser la question suivante. Compte tenu des risques et des bénéfices attendus de ces changements sur le projet, est-ce qu'on pense qu'il est raisonnable de continuer? Nous n'avons pas d'estimation comptable nous permettant d'évaluer objectivement ces risques et ces bénéfices. Mais comme nous l'avons vu, ce n'est pas indispensable. Dans notre cas et dans beaucoup d'autres cas d'ailleurs, les hypothèses qu'il faudrait poser pour approcher la valeur de notre nouveau projet avec la méthode des options réelles serait si forte qu'une décision fondée simplement sur notre analyse personnelle et factuelle vaut franchement tout autant. >> Et cette analyse nous suggère de continuer. Les risques peuvent être maîtrisés, le budget peut être tenu car nous saurons développer seul les nouvelles fonctionnalités du produit sans recourir à des prestataires. On pense aussi que les risques d'exécution sont faibles car les vidéos auxquelles nous avions initialement pensé prenaient déjà la forme de recommandations adressées aux praticiens. Il s'agit donc pour nous de pousser notre réflexion pour articuler ces recommandations en les liant les unes aux autres sur un plan logique afin d'en faire un outil qui aide à ordonner les schémas de réflexion. Comparé aux bénéfices significatifs qu'apportent ces changements dans le projet, il est certain qu'il nous faut poursuivre. Ecrivons-le dans le DMC. >> Ici, on a fait preuve d'un raisonnement rationnel. On est donc bien dans la persévérance et non dans l'obstination. À ce stade, nous savons que nous allons devoir encore apprendre beaucoup de choses sur cette nouvelle version du projet. La boîte noire qui est devant nous, si on l'a un peu éclairée, elle est encore quand même bien sombre. Et pour le dire avec les mots de Herbert Simon, on doit conserver une rationnalité procédurale pour apprendre encore davantage de choses sur notre projet, encore davantage de choses sur nous et encore davantage de choses sur l'environnement qui entoure notre projet. Et pour cela, nous allons devoir faire tourner le DMC plusieurs fois jusqu'à ce que la boîte noire devant nous soit suffisamment éclairée pour que nous puissions agir dans un environnement qui soit moins incertain. >> Voilà qui clôt cet épisode sur la onzième case du DMC, la case Stop ou encore. Dans le prochain et dernier épisode, nous aborderons en détail la douzième case dédiée aux nouveaux objectifs de votre projet et aux nouvelles certitudes autour de votre projet. Ce dernier épisode sera aussi l'occasion de revenir sur toutes les cases du DMC et d'en résumer son utilisation. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]